"Capable de monter un bâtiment et de le commander au petit cabotage" (1785)

Les Archives départementales du Morbihan ont numérisé et mis en ligne les archives des amirautés d’Hennebont (8 B), de Vannes (9 B) et de Lorient (10 B). On y trouve plusieurs cotes concernant les inventaires d'effets et de hardes des décédés en mer et procès-verbaux de traversée pour Lorient et Vannes. Liasses numérisées sur lesquelles je me suis précipitée, espérant y trouver une trace de Georges Sonnic ou Jacques Clément, morts au Cap (Afrique du Sud) en 1762 et 1783. Côté ancêtres, j'ai fait chou blanc, mais j'y ai croisé :

• une révolte des esclaves embarqués sur le Marquis de Castries le 22 février 1785, dans le port de (l'île) Sainte-Marie, au large de Madagascar ; le nom du bateau m'a interpellée : Jacques Clément était dessus en 1782...
• des marins morts en mer ou à terre, de fièvre putride ; et Joseph Robic, mousse de Lorient, mort à Batavia sans laisser aucun effet personnel
• des lieux lointains : Pondichéry, Batavia, isle de France, côte de Madagascar...

J'ai rapidement changé de cap pour me rabattre sur les réceptions d'officiers et de maîtres de barques (1692-1790). Nicolas Guyodo (1766-1799), avant de finir noyé dans la Vilaine, a été reçu comme maître de barque à Vannes en 1785 d'après les données relevées dans son matricule d'inscription maritime ! Malheureusement, impossible de le trouver dans la liasse numérisée, même en visant large au niveau chronologique... Les procès-verbaux de réception sont assez intéressants, avec parfois de détails précis sur le parcours maritime des individus (par exemple celui de Joachim Joubioux, de l'île d'Arz). A défaut de Nicolas, j'ai trouvé son beau-frère Jean Baptiste Pihour (1754, Guérande-1823, Mesquer), dernier fils des 12 enfants de René Pihourd de Varenne et Perrine Giraud, juste avant Marie Louise, la petite dernière et mon aïeule.

Du 17 septembre 1785
Devant nous lieutenant énéral de l'amirauté de l'évêché de Vannes
Présent Monsieur le Procureur du roy
A comparu Jean Baptiste Pihour de Redon, fils de René, âgé de 32 ans, lequel nous a représenté qu'il a fait les quatres années et au-delà de navigation prescrites par l'ordonnance du roy du 18 octobre 1740 pour être reçu maître, patron ou pilote pour commander au petit cabotage, ce qu'il a justifié par un certificat de ses services le dit délivré ce jour par le sieur Le Roy de Fréville, commissaire de la Marine au port du Croisic, le dit certificat nous apparu? déposé aux mains de notre greffier pourquoi il requiert qu'il nous plaise le recevoir maître, patron ou pilote pour commander au petit cabotage, offre qu'il fait de subir l'examen et de prêter le serment audit cas requis et a signé : Jan Baptiste Pihourd

Sur lequel réquisitoire faisant droit et le consentant le Procureur du roy avons pris et nommés d'office pour examiner le dit Jean Baptiste Pihour, Joachim Le Saux de Vannes, âgé de 63 ans et Julien Le Bart, de Vannes, âgé de 46 ans, tous les deux capitaine de navire desquels ci présent le serment séparément pris ils ont promis et jurés la main levée de se bien et fidèlement comporté dans le dit examen, auquel procédant de lui ont fait plusieurs questions et demandes sur le fait de la navigation et le cours des marées, côtes, ports, havres et parages compris dans l'étendue de la navigation au petit cabotage, auxquelles il a bien répondu et ont les dits Joachim Le Saux, et Julien Le Bart unanimement déclaré qu'il est capable de monter un bâtiment et de le commander au petit cabotage et ont signé : Le Bart

En conséquent de tout quoi vu ce qui résulte de l'examen fait au dit Jean Baptiste Pihour par les examinateurs ci-dessus et le consentant le Procureur du roy l'avons reçu maître, patron ou pilote pour commander au petit cabotage seulement à la charge de s'y bien et fidèlement comporté, ce qu'il a promis et juré faire la main levée et a signé : Jan Baptiste Pihourd, Poussin, ?

Archives départementales du Morbihan, procès-verbal de réception de Jean Baptiste Pihour, en ligne

La mise en ligne des registres du quartier du Croisic (Loire-Atlantique) permettent de reconstituer la carrière maritime de Jean Baptiste Pihour, avant et après son examen de maître au cabotage, ainsi que celle de ses navires ! Du moins d'en avoir une idée un peu grossière, parce que la tenue des registres laisse à désirer côté rigueur : les informations se contredisent par moment entre les registres chronologiques. En gros : en 1788, le matelot devenu capitaine arme un chasse-marée, Le Bien-Aimé, 48 tonneaux, construit à Redon et armé au Croisic. Ce navire est a priori vendu à M. Ameline (de Bordeaux) en 1794 (alors que le matricule de Jean Baptiste Pihour le dit commandant de ce navire jusqu'en 1803...). En l'an IX, nouveau chasse-marée : Les Trois frères, plus petit (22 tonneaux), avec 3 hommes d'équipage. Aucune référence familiale : les Pihour sont plus que 3 garçons, aussi bien du côté de Jean Baptiste que de ses fils. De l'an XII à 1807, le gaillard (entre 1 mètre 70 et 1 mètre 73, selon les registres... plutôt grand pour le coin) aurait été syndic des gens de mer à Mesquer. Aurait, car ça empiète un peu sur la période 1805 à 1824 où Joseph Gallery est censée occuper le poste. Mais même au conditionnel et avec beaucoup de pincettes, ces petits détails donnent un peu de corps à ce collatéral.

Pour aller plus loin

• sur le blog : article Inscription maritime
• Archives départementales du Morbihan, procès-verbal de réception de Jean Baptiste Pihour, en ligne
• Archives départementales de Loire-Atlantique, inscription maritime (recherche chronologique ou nominative des inscrits maritimes, matricule des navires, rôles de bord)
• Musée de Bretagne, maquette de chasse-marée