Au beau milieu d'une séance de pêche aux actes dans les registres paroissiaux de l'Artois, voilà que je tombe sur une note du curé de Mont-Saint-Éloi qui attire mon attention en 1723 :
Les personnes ci-dessus marquées depuis le 12 d'août jusque et y compris le 2e jour d'octobre 1723, sont décédées, ou morts d'une maladie appelée la suette ; laquelle maladie emportait les corps en fort peu de temps, les uns ne duraient que deux jours, les autres vingt quatre heures, d'autres douze heures, et d'autres encore moins. L'on était remplis de bouton par tout le corps ; et l'on suait presque continuellement pendant quelques jours ; la plus grande partie de cette paroisse en a été attaquée ; et j'ai succombé comme les autres après 8 jours de travail continuel à confesser et administrer tant de nuit que de jours ; cette maladie a commencé dans cette paroisse le jour de Saint-Laurent après-midi, et dans l'abbaye le jour de Sainte-Claire 12 du mois d'août ; plusieurs religieux et plusieurs domestiques en ont été attaqué, et quelques uns en sont morts.
J'oubliais de dire que l'air était tellement corrompu que l'on a été quelques jours sans voir des oiseaux.Archives dép. du Pas-de-Calais, registres paroissiaux de Mont-Saint-Eloi, 5 MIR 589/1, vue 474
Les symptômes décrits par le prêtre (sueurs, éruptions cutanées) correspondent bien à la suette miliaire, ou "picarde", apparue en France au début du XVIIIe siècle et dont les dernières résurences dateraient de 1947 ! En 1887, L'Univers illustré fait une sympathique description des symptômes (consultable sur Gallica).
Censée être moins dangereuse que sa cousine la suette anglaise, elle n'en fait pas moins des ravages en moins de 3 mois dans la paroisse artésienne. Le curé précise dans les actes de sépulture si les individus étaient atteints.
Sans cette note détaillée, trouvée par hasard en sautant des dizaines de vues du registre numérisé, je serai sans doute passée à côté de la cause réelle du décès de mon aïeul Jean Letourneur (1702-1723), trouvé quelque 150 vues plus loin (l'ordre chronologique n'est pas des plus respectés dans ce registre...). Jean Letourneur meurt le 12 août (premier jour de l'apparition de l'épidémie d'après le curé) "après 9 heures de maladie". Jeune marié (1721) et jeune papa (1722), il n'a que 21 ans. Les choses ne tiennent vraiment pas à grand chose...
Deux ans auparavant, en 1721, le même registre faisait déjà mention de maladie, avec notamment plusieurs actes de sépultures faisant état de "petites poquettes". Il s'agit a priori de la variole (le terme de poquette n'est utilisé aujourd'hui que pour la version aviaire de la variole).
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