Pour débloquer une branche parisienne au XIXème siècle, il faut espérer tomber sur un acte contenant un nom connu (ancêtres directs, collatéraux, autres proches...) dans les minutes dépouillées des notaires parisiens. Pour en savoir plus à ce sujet, je ne peux que recommander la lecture de l'article D’acte notarié en acte notarié, une généalogie parisienne du blog Chroniques d'antan. J'ai beau secouer la Salle des inventaires virtuelle dans tous les sens :
- le patronyme Esnée sort à la pelle... parce qu'il existe un notaire prénommé Nicolas Joseph Désiré Esnée (1800-1888), qui n'est autre que le cousin germain de mon ancêtre Benjamin Esnée (1794-1846) mais ... non, Benjamin n'a semble-t-il passé aucun acte à l'étude LXXXV. Qui plus est, étant donné les milieux sociaux diamétralement opposés des deux familles, il est probable qu'ils ne se cotoyaient même pas.
- rien de probant sur les ancêtres directs Meneau, Burande, Monchaux and Co.
Direction alors les collatéraux, et là :
Enfin un couple qui me dit quelque chose ! Pierre Victor Beuvelet, né le 5 février 1829 à Paris, meurt le 3 septembre 1874 au 8 rue de la Lingerie (Paris 1er). Il est marchand de fruits aux halles, comme tous les collatéraux de la génération précédente et de la suivante. Les halles, il est tombé dedans quand il était petit, puisque son père et son frère sont forts aux halles. D'ailleurs, il a vu l'évolution des lieux, avec la construction des pavillons imaginés par Victor Baltard.
Pierre Beuvelet est doublement allié à ma branche auvergnato-parisienne :
- il épouse une première fois Marguerite Malié (1831-1863), fille de mes ancêtres Philibert Malié et Jeanne Debraye, originaires d'Issoire (Puy-de-Dôme), qu'ils quittent entre 1836 et 1841 pour s'installer à Paris comme... marchands aux halles ;
- veuf, il se remarie en 1863 avec Anne Burande (1846-1883), fille de mes ancêtres Antoine Burande et Anne Malié (soeur de Marguerite Malié).
En bref, Pierre Beuvelet épouse en secondes noces la nièce de son épouse décédée, qui a 17 ans de moins de lui. À son décès, Pierre Bevelet laisse 4 enfants mineurs : Achille (9 ans), Elisa (8 ans), Louis Victor (4 ans), Blanche (6 mois). Anne Burande lui survivra quelques années et mourra à l'âge de 38 ans. Pour l'instant je n'ai pas plus d'informations sur le devenir de la famille après le décès du père.
Son inventaire après décès est intéressant à plus d'un titre. Comme tout inventaire après décès, il a la magie de dépeindre telle une photographie l'intérieur et les biens d'un foyer. Les membres des familles Beuvelet, Burande, Malié, Debraye, travaillant tous aux halles, étaient assez proches. À défaut de trouver dans l'immédiat des actes notariés concernant mes propres ancêtres, celui d'un proche, exerçant le même métier et évoluant dans le même milieu, est une source plutôt fiable et riche pour approcher d'un peu plus près l'intérieur d'un foyer de petits marchands aux halles de Paris, leurs biens, l'aménagement de leur appartement (avec ses décorations !), leur équilibre financier (avec dettes, sous-location), etc. Sans compter que "madame veuve Beuvelet", comme elle est appelée à longueur d'inventaire, ou plutôt Anne Burande (comme elle signe), retournera, une fois veuve, habiter chez sa mère, au 3 rue Pirouette (rue disparue au nom charmant qui fera l'objet d'un prochain article), emportant sans doute quelques-uns des effets mentionnés dans l'acte notarié.
Deux rideaux de vitrage, deux rideaux de fenêtre, un miroir, deux plâtres, deux peintures à l’huile, une photographie, le tout prisé 7 francs
Transcription (partielle) de l'inventaire après décès du 27 janvier 1875, 8 rue de la Lingerie (Paris, 1er arrondissement), logement du défunt Pierre Beuvelet et d'Anne Burande
[...]
Mobilier personnel
Dans un cabinet au fond de l’appartement, éclairé par une fenêtre sur la cour
Deux rideaux de vitrage, une commose en acajou dessus de marbre, une table à volets en acajou, un rideau de laine, un oeil de boeuf, le tout prisé 65 francs
Dans une chambre à la suite éclairée par une fenêtre sur la cour
Deux rideaux de vitrage, un plâtre, deux peintures à l’huile, un porte cigare, quatre pièces porcelaine et verrerie, une cave à liqueurs, le tout prisé 30 francs
Un lit en fer, un matelas, un traversin, un edredon, une couverture, un tapis, prisés ensemble 20 francs
Un vieux fauteuil, un vieux guéridon en acajou, une table en bois blanc, le tout prisé 4 francs
Dans la cuisine
Une vieille table, dix pièces ustensiles de cuisine en fer blanc et fer battu, quarante pièces fayence et verrerie, le tout prisé 7 francs
Dans la chambre à coucher éclairée par une fenêtre sur la cour
Deux rideaux de vitrage, deux rideaux de fenêtre, un miroir, deux plâtres, deux peintures à l’huile, une photographie, le tout prisé 7 francs
Une pendule, deux buste en composition prisés ensemble 30 francs
Une vieille table de nuit, une armoire à glace en acajou, trois chaises, le tout prisés 95 francs
Un lit en acajou, un sommier, une paillasse, un matelas, deux oreillers, un edredon, un traversin, une couverture, le tout prisé 80 francs
Linge de ménage
Six fraps de toile, deux draps en coton, douze serviettes, douze essuie mains, quatre tabliers, six taies d’oreiller, le tout prisé 40 francs
Linge et garde robe
[Premièrem]ent M. Beuvelet
Huit chemises, une paire de chaussettes, douze mouchoirs, quatre gilets de flanelle prisés ensemble 15 francs
Deux paletots, deux pantalons, deux gilets, un chapeau, deux paires de chaussures, prisés ensemble 20 francs
[Deuxième]ment Mad[ame] v[euv]e Beuvelet
Six chemises, douze mouchoirs, six paire de bas, deux jupons, trois c? prisés le tout 20 francs
Deux robes en laine, trois jupons de laine, deux caracos, un mantrau, un chapeau, deux paires de chaussures, le tout prisé 35 francs
Cinq bonnets, quatre tabliers, prisés ensemble 5 francs
Dans un petit cabinet servant d’antichambre
Un lot de débarras, ne méritant description, composé de boîtes de vieux linges prisés le tout 3 francs
Un grand rideau en laine prisé 2 francs
Total du mobilier personnel 478 francs
Sur le commerce de marchand de fruits aux halles
Mad[ame] v[euv]e Beuvelet déclare
Qu’elle exploitait avec son mari une place de marchand de fruits aux halles centrales
Que cet état est concédé à la semaine par la ville de Paris, qui perçoit à l’avance la prime y afférente, en sorte que le droit qui en résultat pour elle et son mari était essentiellement temporaire, puisque par suite du non versement de la prime, la place leur était retirée.
Par suite, Me Chifflard, commissaire priseur n’a donné aucune valeur au dit droit qui ne constitue pas d’ailleurs de fonds de commerce et dont il est seulement ici question pour mémoire.
Sur les marchandises
Au moment du décès de son mari, Mad[ame] v[euv]e Beuvelet déclare qu’il n’y avait aucune marchandise à l’état de marchand de marchand de fruits, attendu que par suite de son état maladit M. Beuvelet ne pouvait travailler.
Sur le matériel garnissant l’état
Mad[am]e v[euv]e Beuvelet déclare que le matériel harnissant l’état de marchand de fruits aux halles qu’elle exploitait avec son mari, ne se compose uniquement que d’une balance, sans série de poids.
Que Me Chifflard commissaire priseur a prisé à la somme de dix francs
Déclarations générales
Mad[am]e v[euv]e Beuvelet, fait les déclarations suivantes :
[Premièrem]ent sur les successions recueillies pendant le mariage
Que pendant leur mariage ni elle ni son défunt mari n’ont recueilli aucune succession ni bénéficié d’aucun don ni legs.
Qu’au moment de leur mariage, ils ne possédaient aucun immeuble et que pendant le cours de leur communauté, ils n’en ont acquis aucun.
[Deuxièmem]ent sur l’argent comptant
Qu’il n’existant aucun argent comptant au décès de son mari, et que pour faire face aux frais funéraires et de dernière maladie, elle a emprunté une somme de six cent francs à M. Thore, ainsi qu’on le dira ci après.
[Troisièmem]ent sur le loyer
Que l’appartement qu’elle occupe et où il est actuellement procédé, lui est loué verbalement, moyennant un loyer annuel de sept cent francs.
Mais qu’elle en sous-loue une partie à Mad[am]e Girard, moyennant quatre cent francs par an ; de sorte qu’elle n’a plus qu’un loyer annuel de trois cent francs.
Au décès de son mari, il n’était dû que le prorata du loyer couru depuis le premier juillet 1874.
[Quatrième]ent sur les contributions
Que les contributions personnelles et mobilières à sa charge, s’élèvent à la somme de 27 francs par an.
Qu’au décès de son mari il n’était rien dû pour les contributions qui avaient été acquittées entièrement.
Déclarations actives
Mad[am]e v[euv]e Beuvelet déclare encore
Que le commerce de marchand de fruits aux halles se fait expressement au comptant, et qu’il n’était rien dû de ce chef aux communauté et succession dont s’agit.
Et que pour toutes autres causes les d[ites] communauté et succession n’ont aucune créance à exercer.
Déclarations passives
Qu’au décès de son mari, il était réclamé aux d[ites] communauté et succession
- Par M.M. Achard et Corton, marchand de comestibles, demeurant à Paris, rue du Pont-Neuf, une somme de 684 francs
- Par M. Meunier, marchand de comestibles, demeurant à Paris, rue Rambuteau, la somme de 700 francs
- Par M. Livet, demeurant à Paris rue Cloche-perche n°1, la somme de 120 francs
- Par M. Thore, horloger, demeurant à Paris, rue de la Lingerie n°8, la somme de 600 francs
Total du passif, 2104 francs
A l’appui de ses déclarations passives, Mad[am]e v[euv]e Beuvelet a représenté aux notaires soussignés quatre pièces qui sont notes et factures, et qui n’ont pas été plus longuement décrites à la réquisition de Mad[am]e v[euv]e Beuvelet, mais ont été cotées et paraphées par Me. Leclerc, l’un des notaires soussignés et par lui inventoriées dans la côte première.
Sur les frais funéraires
Mad[am]e v[euv]e Beuvelet ajoute que c’est avec partie de 600 francs qu’elle doit à M. Thore, qu’elle a acquitté les frais funéraires et de denrière maladie, qui ne sont pas autrement décrits ici attendu qu’ils sont une charge de l’usufruit légal de Mad[am]e v[euv]e Beuvelet.
Mad[am]e v[euv]e Beuvelet déclare qu’à sa connaissance et n’existe aucun autre actif ou passif que ceux résultant des présentes opérations.
Interpellation à la tutrice
Sur l’interpellation qui lui en est faite expressement par les notaires soussignés par les notaires sousignnés, conformément au paragraphe deuxième de l’article 451 du Code civil, Mad[am]e v[euv]e Beuvelet déclare qu’il ne lui est rien dû par ses enfants mineurs, si ce n’est le coût de la délibération du conseil de famille qui a nommé M. Beuvelet subrogé tuteur.
Source et liens
- Archives nationales, Inventaire après décès de Pierre Beuvelet, 27 janvier 1875 (MC/ET/CXXI/1174)
- Site Internet Les Halles, marché d'hier, forum d'aujourd'hui
- Paris à nu, Les forts des halles
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