La conjoncture est favorable : un énième acte déniché récemment faisant mention d'une infirmité et la fin de la semaine pour l'emploi des personnes handicapées. C'est l'occasion de s'interroger sur les sources historiques et généalogiques pour tout ce qui est handicap, infirmité.

Petite précision de vocabulaire. Le terme de handicap dans son acception actuelle est très récent : 1924. "Hand-in-the-cap" trouve son origine dans les courses de chevaux, durant lesquelles il s'agissait d'égaliser la valeur des objets misés par les parieurs, puis plus tard, de garantir l'égalité des chances en "handicapant" les meilleurs chevaux. Les handicapés ne sont pas ceux que l'on croit.

 

Le handicap a pour but d'égaliser les chances des concurrents, en équilibrant les poids de façon que le plus mauvais cheval ait autant de chances que le meilleur de gagner la course.
Dictionnaire Littré

Inutile de chercher le mot dans les archives modernes donc. Les sources parleront, le cas échéant, d'infirme et d'infirmité, avec plus ou moins de détails.

 

 

Dans le langage médical, on nomme infirmité tout cas dans lequel un individu, avec ou sans désordre appréciable de la disposition matérielle du corps, ne possède pas telle ou telle fonction, ou la possède d'une manière imparfaite ou irrégulière, tout en jouissant d'ailleurs d'une bonne santé. La claudication, après la guérison de la luxation spontanée de la cuisse, est une infirmité.

Étymol. et Hist. 1. 1539 « faible, physiquement ou moralement » (Cl. Marot, Psaumes, II ds Gdf. Compl. : mon cuer jadis infirme).

Il ne reste guère de trace des infirmités, de ceux qui ont survécu à la polio, des malformations de naissance, des accidents de la vie, des suites de maladie, de la vieillesse, ... pour ce qui est antérieur au début du XXème siècle. Néanmoins,il ne faut pas désespérer, des sources existent...

 

Les recensements de population

Napoléon III a eu la "merveilleuse" idée de rajouter plein de colonnes pour ficher les gens dans le recensement de population de 1851 : religion... mais aussi infirmités et blessures. "Maladies et infirmités apparentes" sont détaillées : aveugles, borgnes, sourds et muets, aliénés  (à domicile ou dans des établissements particuliers), atteints du goître, - d'une déviation de la colonne vertébrale, - de la perte d'un bras, - de la perte d'une jambe, pieds bots, et une case "autres". Il faut avouer que parfois le remplissage dépend aussi du zèle de l'agent recenseur. Dans certains recensements postérieurs, la rubrique Observations peut servir également à noter une infirmité.

Recensement de 1851, Ablain-Saint-Nazaire : Evariste PROUX (°1814), fils d'Antoine Flament (aïeul direct) : borgne. AD62, M 3922.

Cette rubrique "Maladies et infirmités apparentes" ne dure pas, mais cela n'empêche pas certains agents recenseurs de mentionner des choses intéressantes dans la colonne "Observations" des recensements suivants.

Recensement de 1872, Bourré : François PROUX (1834-1894) (aïeul direct) : infirme de la main droite (voir plus loin pourquoi je m'en doutais). AD41, 2 MILN R33.

 

Les listes de recrutement (militaire, inscription maritime, garde nationale)

Ces deux autres sources sont incontournables pour tout ce qui concerne la description physique plus généralement. "Six orteils", "nécrose tibia gauche", "obésité","varices volumineuses", "hydrocèle", "hypertrophie des lèvres"n "paralysie de la paupière inférieur"... les autorités militaires ne sont pas tendres. Mais dissertes.

Ma grand-mère m'avait dit que Germain LE BRUN (1877-1929), son grand-père, avait été mis en apprentissage chez un horloger car il était boîteux. "Coxalgie" (problème de hanche) précise son registre matricule (d'accord, il était à 100% bigouden...). AD29, 1 R 327.

Voir les séries L et R aux Archives départementales, et la série H aux Archives municipales.

 

Les registres paroissiaux et d'état civil

Avant que les officiers d'état civil ne soient à partir des années 1830 de plus en plus contraints par des registres d'actes en partie imprimés, et encore plus dans les registres paroissiaux, on peut tomber sur un officier d'état civil bavard ou un curé avec une âme de romancier (aucune chance avec celui qui se contente d'un "l'an que dessus" sur les actes).

En 1780 à Monthou-sur-Cher, Nicolas DAUBRON (1708-1786) donne son consentement au mariage de sa fille "chez lui pour cause d'infirmité", en présence de deux témoins. Le curé n'est pas avare en détails puisqu'au décès dudit Nicolas DAUBRON, il précise qu'il est "aveugle depuis environ douze ans". AD41, 4 E 146/68 et 4 E 146/74.

Et parfois on tombe sur ce genre de choses (AD41, 4 E 151/40) :

15 février 1775, naissance et décès d'un enfant de Jean Gaudron vigneron et de Marie Chassin.

L'enfant cy dessus est venu au monde avec un oeil seulement dans le milieu du frond point de paupière, ni nez, une bouche fort étroite et des dents ds la bouche. Voilà ce que nous avons vu de singulier et que beaucoup de personnes ont également vu comme nous et qui ont signé avec nous pour l'autenticité du fait.

 

Les photographies

Pour les périodes plus récentes : j'ai ainsi deux ou trois photographies d'un petit cousin décédé enfant, Guy LE BRUN, vers 4 ans, avec sa canne (poliomyélite).

 

Les archives hospitalières et relatives à l'assistance

Les fonds d'archives relatifs aux archives hospitalières et à l'assistance publique contiennent également des renseignements sur les aliénés et les infirmes :

  • Archives départementales : série H dépôt et série X
  • Archives communales : série Q (généralement sous-série 5 Q - Application des lois d'assistance et de prévoyance)

Pour rappel, les asiles d'aliénés accueillaient toutes sortes de malades, pas nécessairement fous... On peut très bien y trouver des vieillards infirmes, des simples d'esprit ou des épileptiques.

 

Et ne pas oublier de croiser les différentes informations...

L'accumulation des informations peut faire émerger des hypothèses, sur des changements de métier surprenants, ou, plus classique, une absence de signature soudaine au bas d'un acte, liés à de possibles accidents.

François PROUX (1834-1894) est carrier à Bourré. Du plus loin que j'ai pu remonté les PROUX / PROUST, ils sont tous carriers de père en fils. Or en 1872, celui-ci est brusquement jardinier. Le recensement donne une piste sérieuse : "infirme de la main droite". Il y a sans doute accident de travail sous roche... Je n'ai malheureusement pas d'actes faits en sa présence entre 1866 (où il signe) et 1872, mais avec un peu de chance il y aura peut-être une trace du côté des accidents de travail dans les carrières, ou la presse éventuellement. Mairie de Bourré.

Autre mystère à éclaircir : celui du marin Joseph LE BIGUAIS (1846-1889). Le trait de sa plume est sûr au bas des actes de naissances de ses fils en 1880 et 1881. Mais pour le dernier né en 1887, "le comparant a déclaré ne savoir signer"... Mairie du Guilvinec.

 

Je ne peux m'empêcher de conclure avec Jean Marais


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Sources et liens

 

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