L'inventaire Récompenses honorifiques et secours aux insurgés de 1848 recense près de 1000 dossiers individuels de combattants de février et juin 1848. Nominatif, il permet de rechercher un individu et d'avoir de premiers éléments de contexte : date et lieu de naissance, domicile, profession, nature des faits (blessé, tué), type de demande (secours, emploi). On fait ainsi connaissance avec Eugénie Javelle, couturière de 20 ans, blessée en février 1848, qui fait une demande de secours.
Paris, 5 avril
Citoyens
Après m'avoir informer sur les secours aux blessés de février et sur la commission, j'ai cru vous écrire ; étant sans traveaux depuis le jour où jettais blessée et depuis ne pouvant plus travailler vu que mon bras il m'était expressément défendu de le bouger par le médecin, et n'ayant reçu que pendant huit jours des bons alors depuis ce temps je n'ai pu travailler et maintenant plus d'ouvrage. J'avais quelques sous que j'ai pu aisément dépenser sans vous redemander des bons que l'on m'avais promis plus lontemps. Je crois citoyens que vous aurez l'extrême bonté de faire droit a ma demende en secours. Quand j'ai donner mon adresse au tuillerie ou j'allais me faire penser je rester rue de Cléri 8, comme étant déménagée je vous pris de me rendre réponse rue de la Pépinière 14 ou je réside maintenant.
Agrez C[itoyens] ma reconnaissance
Eugenie Javelle, couturière
Sa requête a sans doute été écrite par un écrivain public, la chemise de son dossier indiviquant qu'elle est sans instruction. Les bons dont il est question dans sa lettre lui ont été attribué le 4 mars 1848 par le Comité de secours et récompenses naitonales dus par la République aux blessés des journées de février 1848. À savoir, un franc cinquante / jour, et pendant huit jours : 1 kilo de pain, un demi kilo de viande, un demi litre de vin.
Sa requête a semble-t-il abouti, puisque des sommes lui ont été attribués en mai 1848 et novembre 1848, comme indiqué sur la chemise de son dossier.
Et Eugénie Javelle, que devient-elle ? Elle est vraisemblablement née le 10 février 1827 à Paris, d'après l'acte reconstitué par sa jumelle Marie Bernarde Javelle, épouse Clémencet, giletière en 1873 (acte sur Family Search). En 1849, les bans de mariages sont publiés à Remilly-en-Montagne (Côte-d'Or) avec un certain Belloni Tesson (tiens, les mêmes initiales que ceux figurant sur un certificat de blessure dans son dossier !), colon à Mondovi (Algérie). Elle est dite domiciliée avec ses père et mère vignerons à Remilly-en-Montagne. De droit, sans doute, mais de fait... la famille vit bien à Paris. Son mariage avec Belloni Tesson est célébré à Mondovi (Algérie) le 14 juillet 1849 (acte de mariage en ligne sur Irel, ANOM). Elle est cuisinière, et ses parents concierge dans le 1er arrondissement (ancien) à Paris. Elle meurt à l'hôpital militaire de Bône quelques mois après, le 5 décembre 1849, à 22 ans (acte de décès en ligne). Une parmi la litanie des décès des neveux et nièces Tesson en bas âge (actes en ligne).
Voir l'inventaire en ligne Récompenses honorifiques et secours aux insurgés de 1848
Pour aller plus loin
- Illustrations : dossier d'Eugénie Javelle, Archives nationales, F/1dIII/90 ; dessin anonyme "24 février 1848, cin heures du soir", musée de Saint-Denis (en ligne sur L'Histoire par l'image).
- Wikipédia, article Révolution de février 1848 et journées de juin 1848
- Mathilde Larrère, fil Twitter sur les 22-25 février 1848
- Histoire par l'Image, Février et juin 1848
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