challenge AZ 2013 homosexualiteIl y a bien des femmes et des hommes, des politiques, des personnes célèbres, d’illustres inconnu.e.s, des voisin.e.s. (enfin plus, elles ont déménagé la semaine dernière), des généalogistes, des cousin.e.s, des descendants, alors pourquoi pas des ancêtres homosexuels (ou bisexuels, ou ayant eu des relations homosexuelles, mais ces deux derniers mots ne commencent pas par un H, lettre du jour) ?

Il ne s’agit pas d’être pour ou contre une réalité qui a existé, qui existe et qui existera.

Premier écueil : le vocabulaire. “Homosexuel” et “homosexualité” datent de 1868 et 1869. Avant il y a 36 mots, plus ou moins désuets, plus ou moins insultants aujourd’hui. Mais est-il toujours besoin de mettre des mots sur les choses pour les vivre ? (certes, psychologiquement parlant, ça aide).

Deuxième écueil : les sources. En histoire on travaille sur des archives, traces d’une activité la plupart du temps administrative… Il existe déjà un sacré déséquilibre entre hommes et femmes (Le Monde retrouvé de Louise-Françoise Pinagot, sur les traces d’une inconnue, reste à écrire) en matière de sources historiques, alors si on rajoute un paramètre (anachronique dans ses termes) hétéro / homo, ça se corse !

Il y a bien une action administrative à laquelle personne n’échappe : l’état civil. L’acte de mariage est, avec l’acte de naissance, l’une des rares sources à laisser supposer (le doute est toujours permis, surtout sur l’identité des protagonistes), qu’il y a eu relation entre deux personnes (de sexe opposé).

Bref, une partie de la population (tous ceux qui officiellement restent garçon ou fille) passent à travers.

Troisième écueil : les erreurs dans les archives (au risque d’affoler les gaydar en éveil). Un agent de recensement qui se gourre en indiquant pour deux femmes “chef de famille” et “femme”, ça arrive. De même que les officiers d’état civil qui s’emmêlent dans les actes (voir Le Maillon faible, en 1861 à Riantec).

Et pourtant, des traces existent ! Dans les archives judiciaires, forcément, qui chassent l’interdit, dans les archives notariales, sans doute, on trouve des indices, on suppute (ce qu’on fait déjà avec la paternité en généalogie…), on divague un peu… et alors ?

    • Deux papas et un enfant à Poitiers, 1774 – Lulu Sorcière
    • « Guyonne Alloury et sa compagne petite poissonnière » dans le rôle de la capitation de Rennes en 1760. Certes « compagne » est le féminin de « compagnon », très usité dans la capitation ; néanmoins son féminin est plus que rare. Après de petites recherches : Guyonne Alloury a épousé Denis Malvaux en 1734, a eu 4 ou 5 enfants. Impossible de trouver un éventuel décès du mari, quoi qu’il en soit, plus d’enfant après 1740 a priori, et en 1760 elle vit seule avec « sa compagne ». Dans la capitation, elle n’est jamais mentionnée comme femme de ou veuve de, contrairement aux autres femmes. Jusqu’en 1764, elle est mentionnée ainsi que « sa compagne ». Puis elle figure seule rue de l’Isle jusqu’en 1768, puis plus rien (déménagement… en tout cas pas décès entre 1766 et 1768).

Et pour conclure sur le soit-disant “modèle” familial, Didier Lebouc rappelle que statistiquement, le modèle qui émerge quand on fait de la généalogie, c’est un enfant = un père et une marâtre.

Sans compter des grands-parents, des parrains / marraines ou des belles-mères qui élèvent des enfants, des parents qui se barrent et refont leur vie ailleurs, des enfants qui se barrent (ou sont virés) pour faire leur vie ailleurs, des abandons, des adoptions, etc. Rien de très neuf finalement, si ce n’est certains carcans qui sautent, parfois, pas partout, et permettent à la société de respirer, un peu.

Et de toute façon, comme dit Corinne Bouchoux (Sénat, 5 avril 2013)

 

Voir aussi :

L’Union homosexuelle, 150 ans d’histoire. Compte rendu de Marie-Jo BONNET, Les Relations amoureuses entre les femmes du XVIe au XXe siècle (Clio). Sur la “nature”, argument creux et qui a bon dos des anti, un sympathique article sur une autre face de la nature… la parthénogenèse (Science et Vie). Et des articles tout frais : “Le mariage pour tous déjà dans les dictionnaires » (Ouest-France) ; « En 1634, deux filles se marient et passent une chaude nuit de noces » (Rue89 Culture). Enfin, tant qu’à parler sexe, parlons Moyen Âge, un article récent : La sexualité médiévale enfin déniaisée.

Illustration : [Femme appuyée sur les genoux d’une autre femme] : [estampe] / Célestin Nanteuil (Gallica)

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