marion faouet telefilm1997, à l'heure où une jeune pré-ado commence à ronger méchamment son frein dans sa quête de modèles et d'exemples féminins historiques, une héroïne en jupons, flamboyante rousse, incarnée par Carole Richert, débarque en téléfilm sur une chaîne de service public. Le tout en Bretagne, alors que sa fibre patriotique n'a jamais été plus ardente que ces années-là vécues à l'Est.

Marie Louise Tromel, alias Marion du Faouët, née en 1717 au Faouët (Morbihan), brigande fuyant la misère, écume les chemins et les foires du Centre Bretagne dans ces années 1740 aux hivers rudes et aux ventres creux. Marquée au fer rouge du V de voleur en 1747, arrêtée et jugée plusieurs fois, elle finit par être condamnée à mort (pendue) après avoir été "soumise à la question" (aka torturée) en 1755 à Quimper.

 

Une histoire qui m'a profondément marquée et m'accompagne depuis, avec par vagues des envies d'écrire. J'ai commencé à fouiller. Parmi les quelques écrits (de qualité très aléatoires), deux incontournables suivent mes errements géographiques depuis 10 ans :

  • le roman Marion du Faouët, brigande et rebelle (1997), de Catherine Borgella, scénariste du téléfilm ;
  • l'ouvrage de Jean Lorédan, La Grande misère et les voleurs au XVIIIe siècle : Marion du Faouët et ses associés, 1740-1770, d'après des documents inédits, datant de 1910, étonnamment bien sourcé pour un ouvrage de cette époque, aujourd'hui sur Gallica, et source importante du travail de Catherine Borgella.
 
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La halle du marché du Faoüet, la chapelle Sainte-Barbe nichée dans la falaise, le grand escalier en granite, et tout en bas, l'Ellé qui serpente entre les rochers et les arbres : c'est l'une des premières escapades que j'ai faite, une fois mon permis de conduire en poche.

 

Histoire, Bretagne... généalogie... vous me voyez peut-être venir ... Presque !
Lorsque j'ai commencé mes recherches généalogiques, à force de parcourir la Bretagne dans tous les sens, j'ai vérifié s'il n'y avait pas un quelconque cousinage avec Marion du Faouët (Geneastar). Rien a priori, quoi que les informations sur l'ascendance maternelle sont inexistantes en ligne, et la descendance éparpillée de même... Cependant, les noms des uns et des autres sont restés gravés dans ma mémoire. Alors, quand j'ai croisé dans mes recherches la route d'un Guillo, saunier de Sarzeau, mon sang n'a fait qu'un tour. Ce nom, ce lieu, ce métier, tous associés : aucun doute.

 

Guillo, saunier de Sarzeau. C'est celui qui est allé quérir la maréchaussée un froid matin de 1746. Plantons le décor : une auberge, des voyageurs, la nuit, l'hiver, la neige, et les loups qui se manifestent. L'auberge de François Maréchal, hameau de Boterff (Ploerdut), n'est pas loin.

Ils arrivèrent chez Maréchal à nuit noire sans autres malencontres. Ils n'y restaient pas seuls. Un hôte de passage, un marchand de sel en tournée, originaire de la presqu'île de Rhuys, répondant au nom de Guillo, contraint par les intempéries de faire halte, partagea leur souper. C'était un homme d'une quarantaine d'année, au visage avenant, aux cheveux courts et frisés. Il observait avec attention les arrivants. [...]

- Maréchal dit de s'en méfier, dit Henry, tout bas. Il fricote avec les autorités.

Maréchal apporta un flacon d'eau-de-vie et des gobelets.

- Tu boiras bien un coup avec nous, l'ami ! dit Robien [René Gabriel de Robien de la Boulaye, sieur de Pontlo, compagnon de route de la bande de Marion du Faouët] au saunier.

Guillo prit le gobelet tendu, se tourne vers Marion et Henry.

- Pour sûr ! Je bois volontiers en bonne compagnie quand je sais à qui j'ai affaire !

A son tour, il versa de l'eau-de-vie dans un gobelet qu'il présenta à Henry :

- Toujours par les routes, je vois beaucoup de monde, et j'entends beaucoup de choses. [...]

Guillo vint se placer devant Marion.

- Il y a ce qu'on raconte... Il y a l'opinion qu'on se fait. Chez les gens de peu, on dit tant de bien de Marie Finefont que cela m'honore de boire avec elle et Henry Hanvigen ! [...] Il y a longtemps que je pensais à vous demander un intersigne, dit Guillo, souriant, un sauf-conduit, quoi ! Je paierai ce qu'il faudra.

- Payer ? Rien du tout ! protesta Marion, avec chaleur. A mes amis, je les donne ! Tes bonnes paroles prouvent que tu en es.

Elle fouilla sa poche, lui présena un petit couteau pliant, et montra sur le manche de bois un M gravé :

- Aide et protection, de moi et des miens, chaque fois que tu en auras besoin. Dans ton commerce, on est très exposé.

Le saunier dépliait et repliait le canif :

- Le don d'un couteau peut trancher l'amitié ! dit-il, sortant de son gousset une pièce de cuivre, recevez un sou en échange.

Elle prit la piécette et lui tendit la main, qu'il serra. [...]

Robien et Maréchal sortaient de l'écuries avec les chevaux sellés, lorsque Henry les rejoignit [...] lorsqu'un coup de feu éclata, tout proche. Une escouade - quatre gendarmes et un sous-officier, déployés en tirailleurs - montait en courant vers le hameau. [...]

Robien, baissant les bras, s'approcha du brigadier d'un pas décidé.

- Qu'est-ce que tout ça veut dire ? Qu'est-ce que vous cherchez ?

- Des brigands, dit le sous-officier, un homme et une femme. IL paraît qu'ils ont passé la nuit ici.

- Ils sont encore là ! dit une voix. Méfiez-vous, ils ont des armes !

Henry reconnut Guillo :

- Le saunier ! Fils de chienne !

Quand le marchand de sel se montra entre les gendarmes, Robien lui sauta à la gorge, le traitant de mouchard et de foutu cochon.

Catherine Borgella, Marion du Faouët, brigande et rebelle, 1997, p. 341 et suivantes

 

Des Guillo sauniers à Sarzeau, j'en ai à la pelle. Un frère, un fils, un cousin germain de Sébastien Guillo (1693-1759) ? Quel est ce Jean là ? Bien sûr, je suis partie sur les traces archivistiques de Marion du Faouët, dispatchées entre Vannes, Quimper, Rennes.

 

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Mais les dépositions de Jean Guillo de juin et août 1748 aux Archives départementales du Morbihan, signalées par Jean Lorédan, impossible de mettre la main dessus. Il y a sans doute la déclinaison de l'identité du saunier... A creuser, encore et encore.

 

Tout cela, j'ai voulu l'écrire dix fois à Catherine Borgella, depuis tant d'années. Et puis, au milieu des milles choses à faire et des aléas de la vie, j'ai repoussé, chaque fois. La semaine dernière encore j'y ai pensé, je me suis dit "allez, vas-y, une lettre et hop". Seulement il était trop tard. Alors quelques pensées ici... et merci.

 

Sources et liens

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