D'abord il y eut les dates de décès. 14 janvier 1869, trois fois, pour trois frères. Puis les circonstances : "trouvé sur la grève", "jeté par la mer", ""econnu comme marin". Et bien sûr il y eut les noms : François Marie, Louis Marie, Jean Pierre Marie, 13 ans, 17 ans, 33 ans, tous trois fils de Jean Joseph LE BIGUAIS, dit "ar Gall".
A défaut d'état civil en ligne, je dois me contenter des relevés d'état civil effectués par le Centre généalogique du Finistère et de la table décennale avec les trois noms et la même date. Dans quelle circonstance les trois marins sont-ils décédés ? Sans doute existe-t-il un rapport des autorités maritimes, mais faute d'éloignement et de temps, c'est dans la presse, et plus particulièrement dans la presse nationale, que je vais pour l'instant en savoir plus, avec un encart poignant donnant des détails sur le naufrage.
On écrit de Concarneau à l'Union bretonneUn bien douloureux événement, survenu hier, 13 du courant, vers les 2 heures de l'après-midi, est venu attrister la population maritime de Guilvinec.Une des nombreuses rafales dont cette journée nous a gratifiés, a occasionné la perte de la chaloupe de pêche Marie-Louise, patron Le Biguais ainé, avec 3 des 4 hommes composant son équipage.Cette embarcation, après avoir pris, dans la matinée, un plein chargement de bois à brûler à Bénodet, quartier de Quimper, a été, à son retour, assaillie, à une faible distance de la côte, entre Loc-Tudy et Lesconil, par un grain dont la violence, accrue de l'état de la mer, a amené la disparition instantanée du bateau.Les 4 malheureux qui le montaient étaint frères. Nageurs habiles, ils essayèrent de gagner la terre.Les deux aînés arrivèrent les premiers. L'un deux, épuisé et à bout de forces, se laissa choir, sans connaissance, sur la plage. L'autre, aux cris de détresse que poussaient ses puinés, qui se sentaient périr, s'élance à leur secours avec un redoublement d'énergie. l disparut sous les flots, en tenant ses deux frères enlacés.Les cadavres des trois victimes ont été, le soir même, recueillis sur la partir du littoral voisine du lieu du sinistre, et inhumés aujourd'hui.
Le patron de la chaloupe est Jean Pierre Marie BIGUAIS, né le 11 mars 1835 à Combrit (Finistère), du douanier Jean Joseph LE BIGUAIS et de sa première épouse, Marie CHARMES (1815-1837). Le marin épouse Marie Catherine LE RUN le 25 septembre 1862 à Plomeur. Deux filles (au moins) naissent ensuite, qui décèdent très vite : Marie Jeanne (1865-1865) et Marie (1866-1868).
Les deux "puînés" sont François Marie, né vers 1856 et Louis Marie, né à Plomeur le 27 septembre 1851, enfants du second mariage de Jean Joseph LE BIGUAIS (désormais marin) et Barbe LE QUILLIEC. Peut-être mon arrière-arrière-grand-pèreFrançois a-t-il été dénommé en souvenir de cet oncle qu'il n'a jamais connu ? Ils ont 2 autres frères plus âgés : Pierre Jean (1839-1894) et Joseph Marie (1846-1889), mon ancêtre direct. Chez les BIGUAIS on est marin de père en fils en cousins. Chose étonnante, l'article mentionne qu'ils savaient nager, ce qui n'est pas courant à l'époque chez les marins.
Qui, de Pierre ou Joseph, est le naufragé survivant qui était à bord de la chaloupe et s'est évanoui sur la plage ?
Je n'ai trouvé aucune mention dans la presse locale bretonne disponible sur les Archives départementales des Côtes-d'Armor, de Loire-Atlantique ou du Morbihan. Rien dans L'Electeur du Finistère (Brest). Reste L'Impartial du Finistère, seul titre de la période pour Quimper, qui n'est disponible qu'en salle de lecture (si une bonne âme de passage à Quimper se sent l'envie de feuilleter les numéros suivants le 13 janvier 1869, je lui en serais extrêmement reconnaissante !).
Sources et liens
- Centre généalogique du Finistère, relevés de décès
- Archives départementales du Finistère
- Gallica, journal Le Gaulois
- Titre en référence à Oceano nox, poème de Victor Hugo, 1836 (consultable sur Wikisource)
- Edouard Manet,Les Travailleurs de la mer, 1873 (consultable sur Commons)
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