En pleine reprise et vérification des données contenues dans les actes récoltés depuis des années, me voici qui arrive à la 7ème génération avec l'acte de baptême de Marie Anne Renard daté du 8 mars 1792. Il s'agit d'un acte récupéré par ma tante dans les mairies du Loir-et-Cher il y a une bonne quinzaine d'années, et que j'ai moi-même photographié lors de mes débuts généalogiques.

Ses particularités ? D'abord l'acte est un peu crade et la plume a fait des pâtés, il y a certes pire en matière d'illisibilité, mais tout de même, il n'y a pas que l'encre qui (en) bave !

 

 

Acte de baptême de Marie Anne Renard, Selles-sur-Cher

 

Ensuite, j'ai mal nommé mon fichier, faisant figurer Gy comme nom de lieu, au lieu de Selles-sur-Cher ; heureusement que les données saisies dans le logiciel étaient bonnes car rien dans l'acte ne permet de le localiser correctement. Au temps pour moi, le reste aussi était correctement saisi : pas de grossière confusion entre date de déclaration et date de l'événement due à une lecture trop rapide ou à une non vérification de la date donnée par l'acte de mariage parfois erronée.

L'intérêt premier du document reste son contenu : il s'agit de l'acte de baptême d'une enfant naturelle... dont le père est nommé explicitement : Jacques Bailli, domestique, identifié comme étant le père par déclaration de grossesse faite devant le juge de paix du canton de Selles-sur-Cher le 4 décembre 1791 (déclaration qu'il faudra bien que je récupère un jour aux Archives départementales d'ailleurs). Cette information est bien lisible sur l'acte trouvé dans la collection communale. Par contre, pour ce qui est du reste de l'acte (surtout les parrain et marraine), la transcription est un peu gruyère... Mais en redécouvrant cet acte, je me suis dit qu'il y avait une parade à l'encre en pâté : une deuxième version de l'acte, sans doute plus lisible !

Ni une, ni deux, je file sur les Archives départementales du Loir-et-Cher et bingo : un acte tout propre (et ceci sans passage à la machine !).

 

Le huitième jour du mois de mars 1792 l'an quatre
de la liberté a été baptisée par
moy curé soussigné Marie Anne née d'hier au soire
de Jeanne Renard fille de Jean Renard et de Marie
Margué ses père et mère de cette paroisse et de Jacque
Baily domestique d'après la déclaration qu'en a fait
Jeanne Renard au sieur Legrand du Teille juges de paix du
canton de Selles assisté de René de St Loup et de Jean Perrot
assesseurs Vu la ditte déclaration faite le dimanche quatre
décembre 1791 et signée Legrand
du Teille, Guerinel fils pour Bezard son segretaire parain a été
Anice  Bodin charpentier, qui a signé et la maraine Marie Anne
Choveau qui a declaré ne savoir signer de ce enquis

 

C'est quand même plus sympa sans les trous (contenu en rouge), même si j'ai des doutes sur la lecture du prénom du parrain (voire aussi parfois sur l'orthographe de "parrain" tout court, à force de le voir écrit parain, parein, etc.).

 

Mais au fait, pourquoi y a-t-il deux collections ?

 

Depuis presque aussi longtemps que la monarchie a cherché à réglementer la tenue des registres paroissiaux et les informations qui doivent impérativement figurer dans les actes, il a été question de conserver précautionneusement les dits registres. Dès le XVIe siècle, il est question d'un dépôt au greffe du baillage. Puis au siècle suivant on décide de la tenue de deux collections, l'une conservée dans la paroisse, l'autre déposée au greffe. Les mauvaises habitudes étant longues à changer, ce n'est véritablement qu'à partir de 1736 qu'on a réellement une double collection. Ce qui explique la date charnière qu'est souvent 1737 des registres paroissiaux numérisés : date initiale de la collection du greffe, mais aussi souvent date butoire lorsque cette collection n'a pas été complétée par la numérisation de la collection communale.

 

Ordonnance de Saint-Germain-en-Laye (1667)

Titre XX. Article VIII

Seront faits par chacun an deux registres pour écrire les baptesmes, mariages, & sépultures en chacune paroisse, dont les feuïlles seront paraphez et cottez par premier & dernier, & par le Juge Royal du lieu où l'Eglise est située, l'un desquels servira de minutte & demeurerera ès mains du Curé ou du Vicaire, & l'autre sera porté au Greffe du Juge Royal, pour servir de grosse : lesquels deux registres seront fournis annuellement aux frais de la Fabrique avant le dernier Decembre de chacune année pour commencer d'y enregistrer par le Curé ou Vicaire les Baptesmes, Mariages, & Sépultures, depuis le premier Janvier ensuivant, jusques au dernier Decembre inclusivement. 

 

Déclaration concernant la tenue des registres des baptêmes, mariages et sépultures (1736)

Article I

Dans chaque Paroisse de notre Royaume, il y aura deux registres qui seront reputez tous deux authentiques, & feront également foi en Justice, pour y inscrire les Bâtêmes, mariages et sepultures qui se feront dans le cours de chaque année ; l'un desquels continura d'être tenu sur du papier timbré dans les pays où l'usage en est prescrit, & l'autre sera en papier commun : & seront lesdits deux registres, fournis aux dépens de la fabrique, un mois avant le commencement de chaque année.

Article XXIII

En cas qu'il ait été apposé un scellé sur les effets des Curez, Vicaires ou Desservans decedez, lesdits registres ne pourront être laissez sous le scellé ; mais seront les anciens registres enfermez au Presbytere ou autre lieu sûr, dans un coffre ou armoire fermant à clef, laquelle sera deposée au Greffe, & les registres doubles de l'année courante seront remis entre les mains de l'Archidiacre ou du Doyen Rural, suivant les usages des lieux ; lequel remettra ensuite lesdits registres doubles au Curé successeur, ou à celui qui sera nommé desservant, des mains duquel ledit Curé successeur les retirera lors de la prise de possession ; auquel tems lui sera pareillement remise la clef du coffre ou de l'armoire où les anciens registres auront été enfermez, ensemble lesdits anciens registres, & ce sans aucuns frais.

 

Les textes sur la tenue de l'état désormais civil, adoptés par la Révolution, confirme cette tenue en double exemplaire, et leur conservation en deux endroits distincts.

 

Décret du 20 septembre 1792

Titre II. Article 2

Les trois registres seront doubles, sur papier timbré, fournis au frais de chaque district, et envoyés aux municipalités par les directoires, dans les quinze premier jours du mois de décembre de chaque année ; ils seront cotés par premier et dernier, et paraphés sur chaque feuillet, le tout sans frais, par le président de l'administration du district, ou, à son défaut, par un des membres du directoire, suivant l'ordre de la liste.

Art. 12. - Ces registres seront déposés et conservés aux archives des directoires de départements.

Art. 13. - Les autres registres doubles seront déposés et conservés aux archives des municipalités.

 

Cette existence de deux collections séparées est plutôt avantageuse en matière de généalogie :

  • les lacunes de la collection du greffe conservée par les archives départementales peuvent être complétées par la collection communale, conservée en commune ou déposée aux archives départementales.
  • on l'a vu avec mon exemple plus haut, un acte illisible dans une collection peut éventuellement être consultable dans l'autre série (selon la période, naturellement ; attention le registre ne sera pas nécessairement numérisé et consultable en ligne !)
  • il n'aura peut-être pas échappé à certains que la distinction entre les deux collections se remarque parfois au niveau des signatures au bas de l'acte. Étranges des signatures qui se ressemblent toutes et semblent tracées par la même personne... Voire bizarre de mentionner que les intervenants signent tous mais de ne voir aucun seings ! En fait, les actes du registre destinés à être versé au greffe sont parfois recopiés a posteriori : le copiste a ainsi "copié" sans les imiter les signatures comme le reste du texte, ou les a simplement mentionnées. Si un ancêtre a signé et que la signature est suspecte, il est préférable de recourir à l'autre collection pour voir "l'original". Et garder à l'esprit qu'il y a bien sûr des exceptions à la règle qui voudrait que c'est dans la collection communale que l'on trouve les signatures "originales" hum... Ainsi pour l'acte de mariage de Camille Covez et François Larivière en 1874 à Souchez (Pas-de-Calais), l'acte de la collection du greffe n'est pas celui qu'on croit : les signatures sont sur la collection du greffe. Il est probable que le registre de la collection du greffe (signé par les intervenants lorsque l'acte a été établi) a été recopié a posteriori pour reconstituer une collection communale, Souchez ayant été rasé pendant la Première Guerre mondiale (situation semblable à Saint-Nazaire, Loire-Atlantique, après la Seconde Guerre mondiale).

 

 covez lariviere 1

 

covez lariviere 2

 

 

Sources et liens

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