Ce n'est pas forcément l'article que je souhaitais faire sur la question, et ce ne sera peut-être pas le seul, mais il est des lectures certains jours qui ont l'effet de la goutte d'eau de trop. Internet est un formidable outil... pour tous les usages. Y compris les campagnes de communication qui fleurissent sous couvert de bonnes intentions, d'expressions à la mode, de désinformations et de fantasmes galvaudés. Au hasard : généalogie, open-data et archives-qui-nous-cachent-des-choses.

Des articles suspects apparaissent par vagues sur le web. Il y est question en vrac et dans le bon ordre - le hasard sans doute :

  • de l'engouement des Français pour la généalogie, cette "passion française", s'appuyant sur une enquête Ipsos de mars 2010 faite à la demande de genealogie.com
  • d'open data et du jugement du tribunal administratif du Cantal
  • de la réticence et du blocage de professionnels cachottiers et conservateurs

 

Petit florilège de cette délicieuse campagne de désinformation.

 

 

"Finalement, grâce à ce qui sera pour la première fois possible dans le département de Vincent Descoeur [Cantal], finis les frais de camping-car et les kilomètres pour se rendre sur place là où ses ancêtres sont nés et morts : tout sera possible à moindre coût en ligne et à portée de clics !"

L'état civil du Cantal est en ligne depuis septembre 2008, mais ce n'est peut-être pas important...

"Dans le futur, certains sites Internet pourront donc proposer de rechercher en quelques clics ses ancêtres depuis 1539 et l'édit de Villers-Cotterêts."

Une petite recherche sur Google des mots "archives en ligne" aurait suffi à l'auteur pour accéder à l'un des quelques soixante départements qui ont mis des archives numérisées en ligne (voir la carte)... Et puis 1539, ils sont présomptueux...

Je vous recommande donc la lecture de ces quelques non-articles (l'ordre importe peu, le contenu est similaire) :

Naturellement, les dates concomittentes ne sont qu'une simple coïncidence. Le 16 septembre, un nouvel article a été publié sur la plateforme Débats des Echos, par un illustre inconnu : La généalogie, une passion française à l'heure d'Internet. Premier d'une nouvelle offensive ? Naturellement, le fait que Google soit muet sur le nom de ce "consultant en ingénierie informatique et grand passionné des usages numériques du culturel et du patrimonial" est tout à fait normal. Le fait qu'il se soit inscrit le jour précis où il a rédigé cet article est également une coïncidence. L'agitation du spectre "mormon" en conclusion serait à mourir de rire si les enjeux du sujets n'étaient pas importants.

Les enjeux ? En vrac la remise en cause d'un long travail de numérisation et de mise à disposition du public de nombreuses ressources patrimoniales par des services culturels publics (sur des fonds publics), la mise en place par le secteur privé de bases de données nationales nominatives, la monétisation de données qui aujourd'hui sont gratuitement accessibles à toutes et à tous, la prise en tenaille des associations entre le marteau des sociétés privées et l'enclume des licences de réutilisation. Et j'en passe.

Certes professionnels, généalogistes et adeptes des archives savent que la situation réelle n'est pas celle décrite. Néanmoins ce genre de campagne de désinformation et de lobbying est trop téléguidée pour être innocente. Et le fait que le directeur général d'une grosse société de généalogie soit membre d'un groupe de travail du Conseil national du numérique sur l'open-data est sans doute le fruit du hasard...

Difficile de dormir sur ses deux oreilles quand on voit comment on s'occupe de nous.

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