Dans la hotte du père Nedeleg (Noël) bigouden se nichait le succès de librairie d'Hervé Lossec : Les Bretonnismes. Ou comment décortiquer son parler, défaire le langage pour y dénicher ces mots, expressions et tournures qui mâtinent le français de l'Ouest. Des bretonnismes quoi. Savoureux et tendre, que l'on soit bretonnant, ou non. Voire pas du tout originaire du coin (ma mère dit bien qu'il va y avoir du reuz ! garanti pas blésois pour un sou). Le tout forcément illustré par Nono.

Dessin de Nono, Le Télégramme, 20 décembre 2010

En vrac :

  • avoir des pikouz dans les yeux (je viens de découvrir qu'en français cela s'appelle la chassie...) ;
  • avoir l'air fin (idiot) ;
  • être droll (un peu dérangé) ;
  • être une brelle (nul, et encore nul, c'est gentil...) ;
  • nous v'là propre (nous voilà bien) ;
  • cinq verres de rang (cul sec ?)
  • tu as envoyé ton cartable avec toi ?
  • ça va faire du reuz (dans Landerneau bien sûr)
  • un peu de startijen (surtout si c'est du diboular, c'est sûr que ça donnera du tonus !) ;
  • mets ton chupenn (ton blouson) ;
  • a dreuz (de travers),
  • memes tra (plus joli que "même chose"),
  • yec'hed mat (aussi exotique qu'un na zdorovie ou qu'un sănătate non ?!)

 

 

Dessin de Nono pour Les Bretonnismes

Il y a les prononciations corrigées à force d'être reprises... Mais il suffit parfois de pas grand chose pour que je ne fasse moins attention (tout dépend de la personne en face) : mai'nant (au lieu de prononcer presque toutes les lettres de maintenant) et un collector : vin'neuf (département d'origine : 29, alias Finistère).

Quand on est petit, quelle que soit la langue, l'une des premières choses qu'on veut apprendre, ce sont... les mots pas très agréables voire les gros : gast (putain), kaoc'h ki du (merde de chien noir), torr-penn (littéralement casse-tête, mais surtout pénible !).

Il y a les expressions rattachées à l'enfance. La cuche (queue de cheval), le ballon de foot toujours logé dans le préau (coincé dans le toit), le biz à la carotte entêtant (voir l'article du Télégramme, 23 décembre 2010). Les formulations qui m'ont toujours écorchée l'oreille, genre "comment que t'as fait ?". Et enfin celles prononcées en soupirant par ma grand-mère : ma doué béniguet, innocent va, que je dois bien avoir sur le seul enregistrement audio que j'ai fait.

Forcément JPP en a parlé...

 

Généalogiquement parlant, j'ose à peine imaginer les scènes cocasses et les quiproquo qui ont pu résulter des quelques faits suivants :

  • 1721 : un normand prétendument originaire de Bernay [Gabriel CORDIER] épouse à Morlaix une jeune fille du Ponthou [Marie CAM]
  • 1774 : un serrurier de Vaucouleurs (Meuse) [Nicolas GREGEOIS, 1745-1796] parlant sans doute un patois lorrain épouse une jeune quimperloise [Marie Josèphe FLOCH, 1753-1808], bretonnante à coup sûr.
  • 1783 : un militaire rennais de retour d'Amérique [Jean RICHARD, 1749-1807] épouse une morlaisienne [Marie LE BERRE, 1743-1818]
  • 1799 (an VII) rebelotte : un tailleur lorrain [Nicolas ROLLIN, 1772-1833] (il devait y avoir une filière d'émigration clandestine) arrive avec son bel uniforme de l'armée républicaine et épouse la fille des précédents [Jeanne GREGEOIS, 1778-1816].
  • 1837 : un ex saunier manchois devenu douanier [François LEBIGUAIS, 1777-1832] quand le sel a viré en saumure épouse en secondes noces une fouesnantaise [Anne BERROU, 1800-1854]. Brinquebalés le long des côtes sud de la Cornouaille et ayant épousé des bigouden(e)s, il y a fort à parier que les enfants furent bilingues, ce qui n'empêchait pas Jean Joseph LE BIGUAIS [1806-1878] d'être surnommé Ar Gall (le français).

Quant à moi, il ne me reste qu'à trouver un chouette poste pour "travailler sous l'État" (être fonctionnaire).

Sources et liens

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