Alors, le 28 juin 1914, retentit à Sarajevo ce coup de feu qui, en une seconde, fit voler en mille éclats comme un vase de terre creux, ce monde de la sécurité et de la raison créatrice dans lequel nous avions été élevé, dans lequel nous avions grandi, et où nous nous sentions chez nous.
Plus loin :
C’est ainsi que j’interrompis involontairement ma lecture quand soudain la musique se tut au milieu d’une mesure; Je ne savais pas quel morceau jouait l’orchestre de l’établissement de bains. Je sentis seulement que la musique avait cessé tout d’un coup. Instinctivement, je levai les yeux de mon livre. La foule qui se promenait entre les arbres comme une seule masse claire et flottante semblait elle aussi se transformer ; elle aussi interrompait subitement son va-et-vient. Il devait s’être passé quelque chose. Je me levai et vis que les musiciens quittaient leur kiosque. Cela aussi était singulier, car le concert durait d’ordinaire une heure ou plus. Il fallait que quelque événement eût provoqué cette interruption. En m’approchant, je remarquai que les gens se pressaient en groupes agités devant le kiosque à musique autour d’une communication qui, de toute évidence, venait d’y être affichée. C’était, comme je l’appris au bout de quelques minutes, la dépêche annonçant que Son altesse Ferdinand et son épouse, qui s’étaient rendus en Bosnie pour assister aux manoeuvres, y avaient été victimes d’un assassinat politique.
Passionnant Stefan Zweig, Le Monde d’hier, souvenir d’un européen.
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