Art. 8
La chasse
La chasse n'étoit pas autres fois un droit seul réservé aux possesseurs de fiefs, il étoit permis à chacun de chasser sur son domaine et de détruire dans son champ l'animal sauvage malfaisant, et le gibier qu'il y trouvoit, ni l'un ni l'autre ne doivent avoir de maître que celui les arreste.
Le droit de chasse n'étoit donc point autresfois exclusif ni privatif, il n'étoit point un droit seigneurial. Les possesseurs de fiefs ne le tiennent du roi que par faveur, dans le tems même qu'il leur fut accordé, il ne fut point ôté aux bourgeois vivants de leurs rentes ; la chasse ne fit défendue qu'aux gens du commun, pour deux raisons, la première pour qu'elle ne fut pas un sujet de dissipation pour ceux ci, et qu'elle fut un amusement pour ceux là, et surtout pour les nobles, à qui seuls dans ces tems là comptoit l'usage des armes, parce qu'ils étoient seuls chargés du service militaire ; mais tout étant changé, et la guerre se faisant par troupes reglées, composées de nobles et en plus grand nombre de roturiers, pourquoi empescher ceux ci de se mettre au fait du maniement des armes, s'y maintenir par une guerre déclarée aux animeaux malfaisants, et même au gibier qui n'appartient en propriété à personne.
Les possesseurs de grands fiefs ont pour la pluspart de vastes forêts, des domaines très étendus ; les seigneurs moins riches en domaines en ont assez, et tous peuvent prendre l'amusement de la chasse sur leur propre terrein, sans s'étendre sur celui de leurs vasseaux et de leurs censitaires, et il parôit injuste qu'on empesche ceux ci de le faire sur le domaine dont ils sont propriétaires.
Gardes chasse
Il paroit ridicule que les gens déglise à qui par les canons la chasse est défendue, la fassent faire souvent par des gardes insolents qui vont avec audace sur le terrein des vasseaux et censitaires de leurs maîtres, fouler leurs ensemencées, rompre les clotures de leurs champs, tuer les chiens et les vhats des paysans, souvent par haine, donnant pour excuses que les chiens et les chats détruisent le gibier. Les seigneurs souvent autorisent ou excusent ces sortes de vexations , et quelques uns y encouragent en rétribuant leurs gardes chasses du meurtre des chiens et des chats, en payant le meurtre de chacun, dont pour titre le garde représente les pattes.
Des chiens utiles aux laboureurs pour la garde de leurs maisons et de leurs troupeaux, ces laboureurs s'en trouvent donc privés par la mauvaise volonté d'un garde chasse.
Ces gardes chasse vont quelques fois faire perquisition dans les maisons, et s'ils y trouvent des fusils il en font un crime au pauvre paysan, comme si le paysan par déférence au garde et à ses commettants devoit renoncer à la défense de sa personne, de sa maison et de ses biens et même de ses troupeaux, sans oser détruire le loup, le renaurd, le bléreau, etc qui viennent dévorer ses bestiaux, pâturer ses bleds et manger ses fruits.
Les gardes chasse vont souvent plus loin, rencontrant dans leur chemin un passant muni d'un fusil, verbalisent contre lui, et avancent faussement qu'ils l'ont trouvé chassant, en rédigent des procès verbaux qu'ils osent affirmer véritables, quoique ce ne soit que fausseté.
Les seigneurs, surtout les ecclesiastiques des monastères et des chapitres qui ne sont point sur les lieux pour juger sainemenet des choses, suivent avec ferveur ces sortes de procès, et allèguent pour première raison, que le port d'armes est défendu aux roturiers. Oh cruauté ! oh injustice ! quand disparaîtrez-vous, ce sera certinemenet à la tenue des états généraux. La liberté rétablie permettera à chacun sans distinction la chasse sur son domaine ; cela est désiré.